
Comment parler du bonheur, de la vie familiale, narrer des « petits riens », des mots d’enfants, comment rendre compte des « mouvements furtifs de la vie, banals, et plein d’importances » sans être ennuyeux et anodin ? C’est un peu le defi que s’est lancé David De Thuin avec Interne. Loin de l’autobiographie ou de l’introspection nombriliste, Interne est toujours sur le fil, pas loin de tomber dans le futile ou l’anecdotique, mais mine de rien, avec légéreté, inaugure un style de journal intime et profond.

Car sous cette apparente légéreté émerge une inquiétude profonde : son refus d’être un adulte – par conséquent la peur de vieillir et l’envie de laisser une trace. Travail de mémoire, Interne devient assez émouvant dans sa volonté d’arrêter le temps. David De Thuin est, comme nous tous, un adulte qui n’a jamais demandé à grandir et son rapport à ses enfants est celui d’un homme qui se voit comme un ancien enfant qui parle à de futurs adultes.

David De Thuin : « L’autoédition est LA finalité »
Comment définiriez-vous Interne. Une autobiographie ? Un journal intime ? Une chronique familiale ?
Un journal intime familial.
Dans quelle mesure la prépublication sur le blog influe-t-il sur l’essence même du projet ? Quels choix êtes-vous amené à faire pour passer du blog au livre ?
Au départ, c’est mon fils qui m’a fait un blog. Après avoir publié quelques dessins d’observation d’après nature, je me suis rendu compte que ça n’avait aucun intérêt pour les visiteurs. J’ai donc commencé à raconter des anecdotes du quotidien, histoire de proposer des choses à lire, sans que je doive me prendre la tête pour inventer des fictions. Au départ, l’autobiographie me fait peur, je trouve l’exercice obscène. Sans le blog, je n’aurais pas fait “Interne”. J’ai hésité longtemps avant d’en faire un livre, ce qui m’a motivé, c’est de laisser une trace pour mes enfants.
Vous éditez-vous même vos travaux les plus personnels. Quel bilan tirez-vous de cette démarche ?
L’autoédition est mon projet de jeunesse. Pendant des années, je me suis exercé, j’ai attendu d’être au point, surtout au niveau des scénarios, avant d’entamer cette démarche. Pour moi, l’autoédition est LA finalité.
Si Interne est un « journal intime familial », peut-on dire que Le Roi des Bourdons – votre précédente auto-édition – était une « auto-fiction imaginaire » ? (Le héros est auteur de BD indépendante, intègre et un peu loser, confronté à des requins de la grande édition dans son travail et qui, la nuit, devient un super héros justicier).
Non. Zola Vernor n’est pas moi. Les gens m’en parlent comme s’il s’agissait d’une certaine forme d’autobiographie. Pas du tout. Néanmoins, merci pour le “un peu loser”, ha ! ha !
Que retirez-vous de ce travail d’autoédition ? La série n’a-t-elle pas souffert d’un manque de visibilité et de diffusion ?
Je ne me pose pas les problèmes de visibilité et de diffusion quand je fais de l’autoédition, du moins, ce sont des questions très secondaires. L’important, c’est de réaliser ce que je veux, au fond de moi. Ensuite, il était hors de question de passer par un éditeur, ce n’était pas la démarche.
J’ai pu réaliser exactement les livres que je voulais, c’était ça, le but. Comme je l’ai dit un peu plus haut, l’autoédition est une finalité pour moi, pas un moyen de parvenir à autre chose. Par ailleurs, il se trouve que “Le roi des bourdons” a été très visible et bien distribué, ce qui est toujours encourageant.
Propos recueillis par [ERIC D]
• Simple et sobre, une seule adresse désormais pour le site de David De Thuin (où trouver tous ses albums autoédités) ET le blog (Interne).
• Un merci particulier à David De Thuin pour la page inédite d’Interne.
Ah ben, coïncidence, je suis passé il y a quelques jours sur le site de M De Thuin pour vérifier qu’il ne me manquait rien. Évidemment, je n’ai pas encore Interne mais je compte me l’acheter.