Sans être vraiment parti Daniel Goossens est toujours revenu. Et avec lui un personnage classique, au charme et à l’humour buriné par les siècles : Jesus Christ. Déjà, il y a longtemps, en 1979 chez Fluide Glacial, Goossens l’avait proclamé : Le messie est revenu et il n’était, comme de juste, qu’un pauvre travailleur émigré devant justifier à un bureau d’embauche sa qualité de prophète. Depuis il a grandi en majesté et ce sont deux êtres de légende, Georges & Louis (mais surtout Louis) qui se chargent de narrer sa geste.

Et là je vais pouvoir prendre une revanche attendue depuis 1994 ! Alors, pour le tout premier numéro de TAO, j’interrogeais Daniel Goossens sous l’angle de l’humour construit, réfléchi, bref à l’aune de son taf d’informaticien de pointe. Il ne cessait de me renvoyer dans les cordes d’un comique beaucoup plus réaliste. Et voici donc que Jésus revient parmi les siens au sein d’une prépublication toujours chez Fluide et édité en volume ces jours-ci. Et qu’y trouvons nous ? Un travail très précis, reprenant les choses à la base, à La Bible, au désespoir de Louis puisqu’il « raconte toute l’histoire de l’Univers » un autre de ses projets « bon il raconte pas la fin, mais c’est tout juste, j’ai horreur quand on raconte la fin ». Il y a ici déconstruction de la légende, avec sous texte moderne freudien (incarné par le Dr Watson), mise en abyme de la question morale (rappelée par la Vache qui rit), révolte sous-jacente quant à l’indifférence des masses (les gens sont comme les vaches, toujours, « rien ne les étonne, ils s’en foutent, ils broutent » alors que Louis est « comme un train bourré de technologie de pointe, qui passe »).

Que dire aussi de la recherche du Nom ? Les 7 nains augmentés pour devenir les 12 salopards, tels un conclave de conseillers en communication, tentent de nommer le produit : « Jesulum, Jesus lumineux, Schtroumpf lumineux, Jean Sablon, le môme Piaf !!! » Ce sera simplement Jésus (diminutif de Jesusovitch) impliqué dans son rôle de descendant du verbe « le verbe bon sang! Je suis le verbe. Et on me représente tout le temps comme un vieux pépé barbu vêtu d’un drap… » torturé mais gnostique. « Laisse la lumière empêcher les ténèbres d’assombrir la clarté » clame sa Parole transparente ! Passons sur ses rencontres avec Clark Kent (qui a refusé de dévoiler sa couverture au Daily Bible »), Astérix ou la presse à scandale, Daniel Goossens fait bien ici œuvre d’érudit usant d’un humour qu’il a dû tester sur une IA de sa fabrication pour nous délivrer un message qu’il révèle dès le sous-titre : « Le comique a rarement été sacré mais le sacré a souvent été comique » .

[ERIC FLUX]

DEJA VU SUR EO
• Le messie est (re)revenu