Les inédits d’Alan Moore

En 10 After 2000 AD, Alan Moore, un mage Britton, se retrouva plongé en pleine fin du millénaire précédent. Soleil US comics nous donne un aperçu de ce retour à ses débuts et c’est instructif surtout quand on en connait déjà la fin…
Lors de sa carrière artistique, avant de céder à son destin magique (et à l’écriture de quelques grimoires) il avait puissamment marqué son domaine tant ses fables avait influencées ses pairs. Célèbre pour avoir plongé dans la lucidité d’un cynisme cruel des héros jadis dévolus à des rêves enfantins,en demandant « qui nous garde de nos gardiens » lui jugea le résultat, une décennie de Comics sous testostérone, décevant. Il créa donc un second cataclysme en faisant un radical retour en arrière pour retrouver les héros de l’âge d’or avec des Gentlemen Extraordinaires au « Top » ou « Strong ». Et là encore tous de le suivre, imiter, plagier, honorer… Mais lui y vit surtout les sources de son art : la magie des légendes reprises, déformées, transformées, symbolisées et devenues fictions tout au long des millénaires quitte à les chercher jusqu’en Enfer From Hell en fréquentant quelques Filles perdues. Et là encore de Planetary à Fables ceux qui sont dans ce thème sont nombreux. À notre époque ce mélange de dessins et de récits est l’art le plus en rapport avec ces symboles actifs que sont les mythes.
Lui c’est arrêté avec la mise à feux : Promethea. Mais à l’origine, avant le mage, le nostalgique, le révolté il y eut celui qui signait dans la revue de référence anglaise : 2000 AD.

Alan Moore. Gary Leach.

Rien que ce nom futuriste dans les années 1980 et maintenant obsolète souligne bien l’ironie de la chose.
On a affaire à un Alan Moore débutant et donc encore sous quelques influences.
Mais travaillant déjà avec des dessinateurs qui l’accompagneront parfois pendant les décennies suivantes comme Dave Gibbons et Alan Davis. Ou Ian Gibson avec qui il réalisa The Ballad of Halo Jones un des seuls comics 2000AD (avec Judge Dredd bien sur) déjà traduit en France.
Ce sont de courts récits de SF parodiques mettants en scènes de façon drolatiques des poncifs du genre à base d’ET, de clones ou de paradoxes temporels.

Alan Moore. Mike White.

Pour un lecteur français ça rappelle furieusement les principes de la Rubrique-à-Brac et déjà (la décennie précédente, j’ai vérifié tant, même si on y était, les influences semblent inversées vu de maintenant) Gotlib s’amusait parfois des clichés SF. Mais il était plus drôle car ne se contentant pas de la trame de l’idée initiale en y injectant foule de gags.
Ensuite pour un drogué à la SF c’est évidemment sous influence d’auteurs de nouvelles de SF. « Nouvelles » en français dans le texte, pas les romans anglais, leurs « Novels » à eux mais bien ces récits hyper courts caractéristiques du genre avec une idée paradoxale en intro, un récit l’exploitant à fond mais vite et une chute résumant le tout en le contredisant d’où l’effet final indispensable. Les maîtres : Fredric Brown, Robert Sheckley ou Douglas Adams plus une foule d’autres que l’on trouvait jadis dans des collections de poches en France.
Exemple : une civilisation galactique cruelle et conquérante qui décide de lancer une armada avec pour seul mot d’ordre « À mort, à feu, pillez tout » jusqu’au bout de l’Univers qui constate finalement que celui-ci est courbe avant de se génocider.

Alan Moore. Dave Gibbons

Et bien sûr c’est d’époque et anglais : les ET ont parfois des airs de Yankees sur les terres de la Reine et on sent bien l’arrivée de la civilisation du tout commercial (tourisme triomphant, marchandisation du héros, CV galactiques…).
L’humour est parfois faiblard, avec des jeux de mots un peu faciles (toute l’histoire d’une colonie sur le soleil se fini avec un personnage qui trouve sa place au…) mais souvent justes (Lone Ranger devenant Clone Ranger, simple mais efficace !) même si on peu accuser la traduction qui abuse des idiomatismes actuels « c’est chaud, lâche-moi, monter dans les tours… » (marrante ou en situation le retour sporadique de ces vieilles expressions ?)
Lecteur minutieux de Moore cherchez aussi parmi ses manies du nom référencé de ses persos, il y a du méchant de chez Supreme qui traine déjà par-ci par-là.
Enfin donc pour le découvreur de SF, de Moore ou d’histoire déjantées il y a là une mine, pour les autres (vieux cons blasés) finalement une occasion de régresser toujours bonne à prendre !
[ERIC FLUX]

• La première histoire Les cadeaux des Grawks sur le site de l’éditeur.

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