Après l’Incal…

Jodo tourne en rond dans son Dojo, aurait-il perdu son Mojo ?
La situation est futilement complexe jusque dans son édition quant au scénario ce n’est plus un compliment que de dire que c’est du Jodorowsky.
Ses histoires se résumant en fait à des apothéoses de conservatismes métaphysiques amenées via l’oppositions de forces symétriques aux symbolismes d’autant plus schématiques qu’elles sont cosmiques.
À la base un être simple est confronté à des situations qui le positionne en pivot autour duquel s’affrontent des antagonismes de plus en plus puissants selon le nombre de tomes nécessaires au développement de la saga en cours.

Après l'Incal 1 de Mœbius (haut) versus Final l'Incal 1 par Ladrönn (bas)

Pour l’Incal Jodo a tout donné, progressant de conflits sociaux en luttes de castes de guerres raciales devenant saintes puis cosmiques pour finalement agoniser au niveau Divin Celui-Ci, convoqué par l’auteur pour faire une fin un peu téléologique, ne peut que constater l’inanité de toute l’histoire et renvoyer le héros l’ayant parcouru en vain au statut de témoin à la mémoire en chute libre. Ainsi Difool doit se souvenir. Et c’est tout !
Les galaxies qui songent, les rêves transcendants, tout l’arsenal de la plus haute spiritualité n’abouti à rien d’autre que la contemplation de l’Univers tel qu’il faut qu’il soit dans le fond, c’est dire : Bien.

Paulo Coelho n’aurait pas dit mieux, c’est vrai ma pôv’ dâme on peut rien faire, ça a toujours été le sens vrai du monde koi ! Pourquoi lutter contre son horreur, autant y adhérer. Et puis même, tiens, disons ça avec l’apparence d’une fausse provocation mystique mais vraie banalité philosophique (de bazard oserait certainement Goossens) soyons ce que nous sommes, pire devenons le, retrouvons notre être profond, dépassons notre ego pour un autre qui nous dépasse, valorisons nos racines au risque de pourrir sur pied !

Après l'Incal 1 de Mœbius (haut) versus Final l'Incal 1 par Ladrönn (bas)

Mais c’est pourtant dans ce fatras convenu d’escroqueries superstitieuses que Jodo puise un peu trop allégrement ses formules catégoriques où il est question de « Garder la foi « , où « ton intelligence ne peut comprendre mais ton âme sait tout » et donc « Tu dois te transformer en ce que tu es vraiment » car « un homme vivant, un homme mort qu’elle différence pour l’éternité » et « si le tout n’est pas sauvé, toi non plus ». En effet mais bon, le tout il ne peut que toujours être sauf et dans ces tautologies le seul sollipcisme résultant en solitaire (osons la redondance nous aussi) est la divinité qui par définition se suffit à elle-même et donc se passe des personnages et de leurs historiettes. D’où le soucis récurrent de Jodo avec ses héros évoluant en force et énergie à travers moult tragicomédies multiplement cruelles vers… Rien.
Ce qui serait justifié pour des œuvres valorisant soit un conservatisme mystique soit un nihilisme radical mais tel ne semble pas être le propos de l’auteur tout du long de pages vantant la necessité de se créer et de surmonter la fatalité.
Ainsi les fins stériles du Lama Blanc ou d’Aleph Thau. Un summum là, le héros rentre à la maison et met ses pantoufles. Max Cabanes avait déjà tout dis à ce sujet dans son analyse pertinente de d’Altered States (Au-delà du réel) de Ken Russel (C’est bien plus marrant et concis mais exactement ce que je tente de dire ici : je vous y renvoie donc chaleureusement! Comme il se doit un cliquage adéquat sera le bienvenu pour une meilleure lecture de ce sommet de l’humour.)

Max Cabanes. Bain d'encre.

Tel est le sort de tout récit fondamentalement spirituel c’est-à-dire radicalement conservateur. Et pourtant même résolus comme inutiles car superficiels au regard de tout Dieu voué à justifier à jamais sa création,même par l’intermédiaire de conteurs inféodés, les mouvements dans ces histoires peuvent être beaux à regarder . Et Jodo excelle souvent dans ces sous-récits superflus, vagues sympathiques d’énergies individuelles condamnées tout de même à mourir sur les rivages amers d’un tout qui les dépassera toujours.
Après tout on a quand même affaire à l’auteur de La folle du Sacré Cœur ou de Polar extrème. Et à nombre de romans et de films remarquables.

Après l'ncal. Mœbius. Jodorowsky
Après l'Incal. Ladrönn. Jodorowsky

Mais tout de même là il exagère !

Avant l’Incal pourquoi pas (l’imitant sans probablement le savoir, le fils de Frank Herbert a bien fait un avant Dune déjà modèle de Jodo qui a tenté de l’adapter au cinéma il y a des lustres et l’a largement copié avec les Meta Barons),mais Après l’Incal ça se discute ! D’autant plus que pour s’y retrouver dans ce maquis éditorial il faut disposer de plusieurs Chakras bien ouverts. Attention c’est encore plus contourné que le scénario.
Premièrement il y eut Après l’Incal, normal avec en 1er tome : Le nouveau rêve, logique.
Mais Mœbius devant sentir l’à-peu-près du récit, ou ayant envie d’autre chose dis Stop !
Il en faut plus pour contrer Jodo qui redonne quasiment le même scénar à Ladrönn.
Cette fois la Série s’appelle Final Incal, 1er tome Les 4 John Defool. Mais c’est vraiment la même histoire, juste dessinée autrement et presque plus en cohérence que Mœbius.
Mais pas tout à fait à l’identique et les différences sont parlantes. Le dessin colle bien, à ce niveau c’est réussi. Mais lorsque dans le tome initial il y avait des trous trop visibles, Jodo colmate comme il peut et c’est parfois drôle. Ainsi une petite fille ne pouvant décemment être un Elohim devient un insecte dans le remake. La guerre entre tech et bio c’est bien beau mais le statut des Technos est pas net voir faussé, dans Les 4 John Difool exit le TecnoPape exaltant l’ère du Golem Noir. Dans Le nouveau rêve Difool apprend que cette guerre globale est contre lui alors que manifestement les hordes s’entretuent sans qu’il y prenne part alors avec Ladrönn on précise « guerre…contre toute vie organique ». Mais ce n’est pas le plus beau. Arrivé à ce stade : un Après l’Incal refait mais renommé Final Incal avec un nouveau dessinateur ce n’est peut-être pas encore suffisant pour troubler notre lecture.

Les 4 volumes disponibles aux Humanos

Voici donc Après l’Incal le retour comme tître global de la saga. Et pour compliquer encore Final Incal est retrogradé en simple (?) titre pour un autre tome 2 venant à la suite donc, de celui de Mœbius. Et comme le lien ne se ferait pas on vous rajoute les dernières pages du tome 1 de Final Incal 1 Les 4 John Difool pour commencer le tome 2 d’Après l’Incal à savoir Final Incal suivant directement le 1er Après l’Incal de Mœbius mais cette fois dessiné par Ladrönn. Pour le reste voir plus haut : la symétrie est respéctée nous avons des antagonismes puissamment archétypaux : Vampires Noirs vs Archanges Blancs. L’ascension cosmique gagne un cran puisqu’on traverse des univers pourtant dit parrallèles, le Héros est bien sur en morceau mais se recolle car vous l’avez deviné c’est toujours lui le pivot de l’histoire sinon de l’OmniUnivers. Gageons que tout ça va se réunir dans un UltimeUnivers ProtoDivin avec le tome suivant présenté comme le dernier.
Et espérons d’autres péripéties éditoriales finalement bien plus intrigantes que les récits voués à finir dans de stériles apothéoses consacrant in fine l’impossibilité de toute fiction dans un cadre théologique.
Enfin pour garder espoir en Jodorowky l’honnêteté oblige aussi à citer ses éclairs de lucidité « Tu restes prisonnier de l’image que tu as de toi. Tu ne veux pas changer, tu vis dans ta tête ».

[ERIC FLUX]

Alexandro Jodorowsky sera invité aux Utopiales de Nantes où il présentera un « Cabaret Mystique » le 12 novembre.

• À voir sur le blog de Louis-Hughes Jacquin (en grande partie consacré à Mœbius), un récapitulatif des différentes couvertures des nombreuses éditions de l’Incal original (Une aventure de John Difool).

• Un pilote de l’Incal, Dark Incal.

Une réflexion sur “Après l’Incal…

  1. De toute manière, la série était déjà mal barrée à partir du tome 3. Je viens de relire Bouncer qui est considéré comme un bon Jodo et j’en suis sorti effaré alors que j’avais plutôt bien aimé à l’époque. De toute manière, il semblerait qu’il n’ait pas une haute opinion des lecteurs BD et qu’il leur sert une soupe qu’il ne touille même plus.

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