
L’âge d’or des affiches de cinéma illustrées est derrière nous. A part quelques belles exceptions – Christophe Blain sur Tournée ou Blutch chez Alain Resnais – les producteurs préfèrent aujourd’hui utiliser Photoshop et ses montages et faire des affiches de films un outil de promotion plutôt qu’une œuvre qui incite à imaginer et rêver le film que l’on va aller voir. Il ne reste plus aux illustrateurs-cinéphiles, qu’à faire des affiches «virtuelles» et imaginaires de films existants. Comme dans un monde parallèle affranchit des contraintes commerciales et où l’illustration aurait droit de cité, on peut trouver sur les sites de graphistes et d’illustrateurs des affiches personnelles, souvent minimalistes, inspirés de classiques et de films récents. Une autre étape a été franchie par les Rhubarbus, qui ont réalisé des affiches imaginaires, mais cette fois les films eux-mêmes sont virtuels. Le résultat est une exposition de 15 œuvres qui a eu lieu à Strasbourg, réunissant des textes et des sérigraphies.


Les Rhubarbus nous décrivent le projet
L’association des Rhubarbus est gérée par deux auteurs-illustratrices : Violaine Leroy et Anne Laval. Le nombre des participants fluctue selon les projets : ce sont des illustrateurs principalement strasbourgeois et des auteurs d’un peu partout.
A l’origine du projet, il y a l’envie de faire des affiches. C’est une forme d’image que les illustrateurs aiment beaucoup faire. Mais, c’est bien regrettable, le temps des affichistes est un peu révolu. De travailler autour du cinéma. Faire une affiche de cinéma, créer un scénario est un fantasme pour beaucoup de créateurs. D’imprimer en sérigraphie pour pouvoir profiter de son rendu fantastique.
Les auteurs devaient imaginer un scénario de film sous trois formes au choix . Écrire la 4ème de couverture d’un DVD : le «pitch» du film, les acteurs (connus ou imaginaires), les bonus, la durée du film, les extraits de critiques, etc. Écrire la ou les critiques du film (exemple : Pour/Contre de Télérama). Écrire un extrait d’une scène du film (dialogue, description d’action…). Les illustrateurs devaient faire l’affiche du film qui leur avait été attribué, format A3 en deux couleurs, pour pouvoir ensuite les sérigraphier.
Nous espérons faire voyager l’exposition dans différentes villes, différents lieux (cinémas, galeries, festival) et continuer à vendre les affiches sérigraphiées qui ont déjà eu un réel succès. Et puis peut être tourner un des films imaginaires ! Et (soyons fous !) donner envie aux producteurs de faire plus souvent appel aux illustrateurs pour leurs affiches de film.

Conversation entre Violaine Leroy et Julia Wauters sur Soul and Dust

VIOLAINE : Ce sont Anne Laval et moi qui avons décidé de choisir les binômes, en essayant de proposer à chaque illustrateur un univers qu’il n’avait pas forcément l’habitude de traiter. Nous avons choisi pour toi, Julia, mon texte qui se passe dans un milieu urbain, dans une ambiance un peu sombre, alors que tu travaille plutôt dans un univers coloré et souvent rempli de nature, de végétaux aux couleurs chaudes et autres animaux. D’ailleurs, comment as-tu réagi quand tu as vu le texte ?

JULIA : Déjà j’ai adoré retrouver ton univers ainsi que plein de références cinématographiques qui m’ont marquées. Et comme je connais bien ton travail, j’ai tout de suite eu tes personnages en tête… ce qui peut être un piège aussi ! J’ai apprécié justement que vous ne me donniez pas un film qui me fasse trop retomber dans mes manies de dessin tout en étant dans un univers qui me plait. En fait, au début j’étais partie sur des images plus réalistes, trop photographiques en fait : je m’étais dis à la lecture du texte que l’idéal, dans l’absolu, aurait été une belle photo de Robert Franck ou dans une famille opposée, une de Sarah Moon… ça m’a sans doute un peu bloquée ! J’ai mis mes premières pistes à la poubelle et je suis repartie des éléments du film en essayant de jouer avec.
Que vous a apporté cette expérience ?
VIOLAINE : Comme je suis auteur mais aussi illustratrice, c’est vraiment intéressant de voir son histoire interprétée par quelqu’un d’autre, ça me permet d’avoir un autre angle de vue, surtout que, Julia, tu as la capacité de synthétiser tout ça par des images symboliques très chouettes, plutôt que de rentrer dans le détail comme j’ai trop tendance à le faire quand je dessine. Bref, ça donne envie de refaire ce genre d’expérience. JULIA : Moi j’ai trouvé l’idée de base géniale, ultra ludique du coté auteur comme celui de l’illustrateur, cela faisait longtemps que j’avais envie de frapper à la porte des Rhubarbus, c’était l’occasion ! Ce genre de projet est une belle récréation à des travaux de commande et rend aussi le métier d’illustrateur moins solitaire, c’est précieux.


Intéressant concept mais je trouve que certaines des affiches ne jouent pas le jeu à 100% et ne donnent pas l’impression de « réclame » nécessaire à ce genre de produit (Soul and Dust est très réussie, elle).
Pour continuer à faire mon Ouin-Ouin (fichu caractère), je n’ai pas du tout aimé l’affiche de Blain que j’ai trouvé bancale et pas très originale. D’un autre côté, le film m’a fait le même effet, ah ah ah…
Oui mais si le cahier des charges était le même que pour un « vrai » film le résultat ne risquerait-il pas de pencher du côté du pastiche ou de l’imitation d’affiches commerciales ? Sans compter que les auteurs s’amuseraient peut-être moins…
Il y a quand même de grandes affiches de ciné :-) avec toutes les contraintes. Faut savoir: ils font une affiche de ciné ou un hommage au ciné ?