Portrait de l’artiste en jeune femme. Le Journal de Jo Manix

Discussion entre jeunes dessinateurs : on fait ce qui nous plaît dans des fanzines en vivant misérablement du RMI, ou on entre dans la professionnalisation en répondant à des commandes ennuyeuses ?

A la fin de l’année, les éditions Flblbl publiaient Le journal de Jo Manix (mars 1994-juillet 1995). Il s’agit de la réédition, dans un recueil de 130 pages en noir et blanc, des carnets autobiographiques réalisés à l’époque par Joëlle Guillevic et édités par Le Simo. Ces carnets ravivent chez nous des tas de souvenirs, de cette période où nous parcourions les festivals de bande dessinée : plusieurs fois nous avons cohabité dans l’espace «fanzines» avec les trois initiateurs du Simo : Jo Manix, Nyls O et Philippe Masson (alias Phil-Hyp). Outre leurs propres bandes dessinées, les trois fondateurs de la revue publiaient celles de collaborateurs réguliers tels que John Porcellino ou Laurent Lolmède.

C’est à cette époque, le début des années 1990, que beaucoup de maisons d’édition indépendantes sont apparues (L’Association, Ego comme X, Les Requins marteaux, etc). Cette dynamique éditoriale était accompagnée par une belle vitalité dans le monde des fanzines, Le Simo faisant partie des plus stimulants.
Car quand on échangeait avec eux, ça ne faisait pas de doute : pour le trio du Simo, entre 25 et 30 ans à l’époque, la bande dessinée était déjà un engagement professionnel et existentiel. C’était sérieux, c’était pro, et Le journal de Jo Manix atteste bien de la détermination que nous constations chez la petite brune du trio. Son journal, texte et dessin, est là pour prendre acte de la naissance de cette vocation, pour en témoigner, pour en légitimer à chaque page la validité.
Entre 1997 et 2001, Joëlle Manix poursuit son journal et publie trois sketchbooks. Ces derniers passent du petit format au format "Comics" à l'américaine.
Que raconte ce journal ? Des lectures, des discussions, des instants contemplatifs, mais surtout les débuts d’un parcours professionnel dans la bande dessinée et l’illustration : les rendez-vous avec des directeurs artistiques, le temps passé sur la fabrication du fanzine dans une entreprise de reprographie, les journées dans les festivals de bande dessinée. Comme le rappelle Jean-Paul Jennequin dans sa préface : «A une époque d’avant Internet, le seul moyen de faire connaître son travail était de prendre vaillamment son bâton de pèlerin et d’aller courir les festivals».
Dans une discussion avec Nyls, page 115, Joëlle dit très simplement qu’elle tient ce journal «pour que ses pensées ne se volatilisent pas dans l’atmosphère». Elle ajoute page 122 qu’elle entend «construire une œuvre de sa vie».
Aujourd’hui, c’est peu dire que la lecture de telles phrases nous serre le cœur : à partir de 1997, Joëlle publie son journal sous forme de «sketchbooks» au format comics à l’américaine. Son dessin au pinceau est assuré, elle le «tient», elle a du style et du talent.
Dans le deuxième  «sketchbook» sous cette forme, elle fait état de son cancer ; le troisième et dernier opus raconte la lutte contre la maladie qui l’a emportée en 2001.
[GIL]

2 réflexions sur “Portrait de l’artiste en jeune femme. Le Journal de Jo Manix

  1. Voilà une histoire triste. J’avais croisé son dessin et ce billet me donne envie d’en lire un peu plus. Pour répondre au monsieur dans la planche, ce qui est dur, ce n’est pas faire de l’album ou du fanzine, c’est surtout ne pas faire ce que l’on a envie. Et même qu’on en a envie, c’est dur parfois :-)

  2. Amie d’enfance de Joëlle Guillevic de 6 ans à plus de 20 ans, je cherche à contacter celui qui fut son compagnon avant son décès, dont je ne me suis jamais remise ! J’aimerais aussi pouvoir témoigner de toute l’amitié qui nous a unies durant des années, avant que la vie et la mort ne nous séparent définitivement. J’ai besoin de savoir comment elle vivait, respirait et aimait car mon amitié lui a toujours été indéfectible ! j’attends avec impatience une réponse…

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